Rose-Aimée : toujours amoureuse à 99 ans

Par Sylvie Lamoureux, zoothérapeute
Membre de l’Association des naturopathes professionnels du Québec (ANPQ)

Texte adapté par François G. Cellier

7 novembre 2017 — La zoothérapie procure des bénéfices sous-estimés. Certains d’entre vous me diront qu’il s’agit d’une activité banale.

Mais après avoir lu l’histoire qui va suivre, les sceptiques comprendront mieux toute la subtilité et la force thérapeutique propre à cette discipline. Ma discipline. Celle qui me rappelle, chaque jour, à quel point les êtres humains qui s’en prévalent en reconnaissent les nombreuses vertus.

Bonheur sur quatre pattes

Je me trouve dans une résidence pour personnes âgées où j’ai l’habitude d’aller, en compagnie de Colette, ma Teckel qui a fait les manchettes dans plusieurs médias il y a quelque temps. Elle participe à mes séances de zoothérapie chez le dentiste, en compagnie de la Dre Rachel Carrier. Colette compte une dizaine de mordus dans cette résidence. Certaines personnes qui y vivent l’attendent impatiemment. Ils savent qu’une case à leur agenda hebdomadaire s’intitule Bonheur sur 4 pattes.

Ma chienne y fait souvent salle comble. Nous commençons le travail en allant à la rencontre des résidents, qui demandent à la voir et à la mettre sur leurs genoux pour lui donner des caresses. Lorsque j’arrive à la résidence, je me présente aux nouvelles personnes qui y sont présentes, et leur offre mes services de zoothérapeute. Bien souvent, les intervenantes elles-mêmes me demandent d’aller voir les nouveaux arrivants. Plusieurs d’entre eux sont tristes. Ils se sentent dépourvus d’atterrir dans cet environnement qu’ils n’ont pas choisi. La famille a malheureusement dû les y placer, par nécessité.

L’inoubliable Rose-Aimée

Un jour, je me suis approchée d’une nouvelle résidente, Rose-Aimée, 99 ans et rébarbative aux chiens. Elle m’a repoussée du revers de la main. Qu’à cela ne tienne, je lui ai dit que je respectais sa décision. Ma tournée s’est poursuivie, tout en gardant en tête qu’il ne fallait pas se fier à cette première réaction. Des personnes comme elles finissent presque immanquablement par changer d’idée. Face à ce genre de rebuffade, je prends mes distances tout en maintenant une ouverture. En agissant ainsi, je souhaite que la personne concernée réfléchisse, et ce faisant, qu’elle réalise l’expérience unique que représente la zoothérapie!

L’événement qui a suivi relève de l’ironie : après avoir lâché la laisse de Colette par inadvertance, ma chienne est allée se réfugier aux pieds de Rose Aimée. Cette dernière s’est penchée pour la toucher avec son doigt. Je me suis alors approchée, j’ai pris Colette dans mes bras et me suis assise à côté de cette dame. Je demeurais silencieuse et attendais sa réaction. Elle m’a finalement demandé mon nom et la conversation a commencé.

L’homme de sa vie

Elle me raconte que son mari est hospitalisé, car il est très malade. Après s’être occupée de ses parents pendant plusieurs décennies, elle s’est mariée avec lui il y a 50 ans, après l’avoir attendu pendant 30 ans. Ébéniste de profession, elle l’a connu très jeune dans son village natal, bien avant qu’il n’émigre aux États-Unis. Il était l’homme de sa vie. Elle m’explique en détail son métier, et qu’elle l’a revu dans ce même village après le décès de ses parents.

Ils avaient tous deux 46 ans lorsqu’ils se sont unis l’un à l’autre, sans enfants ni famille, mais heureux de se retrouver. Comme leur amour couvait depuis l’enfance, ils furent incapables d’être amoureux de quelqu’un d’autre. J’en avais de la buée dans mes lunettes et j’étais suspendue à ses lèvres. Pendant ce temps, elle caressait Colette qui était assise sur elle. Rose-Aimée et son amoureux ont vécu ensemble jusqu’à tout récemment. Cette douloureuse séparation fut la seconde.

En détresse

La pauvre dame vivait une certaine détresse. Comment être au chevet de son homme, alors qu’elle n’a pas de famille pour lui permettre d’exaucer son souhait. Cette lucidité du cœur et d’esprit m’a à la fois fascinée et chagrinée. C’est à se demander s’il ne vaut pas mieux perdre la raison, plutôt que de vivre une telle séparation. Cette histoire m’habite depuis ce temps. Elle me fait réaliser à quel point chaque moment passé avec mon amoureux est capital.

La zoothérapie est une discipline qui permet d’apprendre à mieux vivre. Colette a fait ce qu’il fallait avec Rose-Aimée, si bien que cette dame a pu ouvrir sa boîte à souvenirs. Je ne l’ai pas revue à la résidence. Est-elle allée rejoindre son bien-aimé dans d’autres ailleurs? Peu importe. Je ne vous oublierai jamais, chère Rose-Aimée, et vous souhaite tout le bonheur que vous méritez. Après cette histoire, trouvez-vous encore que la zoothérapie est une activité banale?

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