17 avril 2018 — Vicky Henley et son associé sont les premiers, au Québec, à offrir un service d’aquamation pour animaux. Cette approche, qui consiste à dissoudre les corps défunts dans l’eau, existe depuis une centaine d’années. Mais jusqu’à présent, elle n’était pratiquée que sur des humains. Au Canada du moins.
Cela dit, avant d’obtenir un certificat d’autorisation pour se lancer en affaires, cette jeune entrepreneure, qui a créé Bio-crémation Aquanimaux à Sept-Îles, dit avoir travaillé fort pour démontrer les bienfaits d’une telle pratique sur l’environnement.
Dissolution aqueuse
« L’aquamation combine la chaleur et l’alcalinité à une eau en circulation, afin d’accélérer le processus d’hydrolyse des tissus. Une fois que le corps est décomposé, on le retourne dans la nature par dissolution aqueuse », peut-on lire sur le portail du complexe funéraire Le Sieur, situé à Granby, qui offre un service d’aquamation destiné aux humains. Les os sont ensuite broyés, réduits en poussières (communément appelés cendres) et remis aux familles endeuillées. Pendant tout le processus que dure une aquamation, l’eau ne se rend jamais jusqu’au stade de l’ébullition.
Cette méthode prend ses origines aux États-Unis. On y a d’abord fait appel pour éliminer les restes d’abattoirs, afin d’éviter la propagation de maladies contagieuses, par exemple celle de la vache folle, qui s’attaque aux bovins », nous dit Éric Le Sieur, propriétaire du complexe funéraire Le Sieur. Au Québec, il existe deux machines pour en faire, dont une qui se trouve dans ce complexe. Elle a coûté 150 000 $ US. Une autre est en service à la Résidence funéraire de l’Abitibi-Témiscamingue, ainsi qu’une troisième chez Bio-Crémation Aquanimaux.
Une passion pour les animaux
Vicky Henley s’est intéressée à l’aquamation par amour pour les animaux. « Je souhaitais offrir une autre alternative aux personnes qui vivent un deuil animalier. Il faut savoir qu’à Sept-Îles, il n’existe aucun service funéraire pour animaux. La plupart des personnes affligées par la perte d’un être cher sont livrées à elles-mêmes dans cette région. Elles doivent envoyer les corps à Sherbrooke, qui se trouve à 12 heures de Sept-Îles. »
Pollution : les pour et les contres
Il est connu que la crémation envoie du carbone dans l’atmosphère, ce qui crée des gaz à effet de serre (GES), encore que ceux qui la pratiquent doivent respecter des normes environnementales strictes. En comparaison, « L’aquamation a peu d’impacts sur l’environnement. L’hydrolyse alcaline, ou l’aquamation des carcasses d’animaux et des corps humains ne dégage pas de contaminants dans l’atmosphère (comme l’incinération) ni dans les sols (comme l’inhumation). Par contre, elle génère une eau contaminée par des nitrites, des nitrates et de l’ammoniaque nécessitant un traitement avant son rejet dans l’environnement », fait savoir Clément Falardeau, relationniste à la Direction des communications du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques (DDELCC).
Par conséquent, le ministère « considère que cette approche ne pourra être préconisée que dans les villes où il y a une usine de traitement municipale qui peut traiter, correctement, les eaux d’égout dans lesquelles seront déversés les liquides résiduels ».
Cela ne pourra être fait que moyennant une entente avec la municipalité hôte, ainsi qu’avec l’opérateur des équipements en traitement des eaux. Par ailleurs, « la Direction de la Santé publique du MSSS recommande que l’aquamation se limite aux appareils à haute température et à haute pression, afin d’assurer la destruction d’éventuelles molécules néfastes (prions) et de virus résistants. »
Une étude américaine
Pour obtenir l’autorisation de pratiquer l’aquamation des animaux par le DDELCC, Vicky Henley dit s’être notamment appuyée sur une étude environnementale menée aux États-Unis. Cela dit, à moins d’indication contraire, aucune étude sur l’aquamation des animaux n’a été produite au Québec. La jeune femme certifie, par ailleurs, que son entreprise est équipée d’un filtre TSS qui enlève les matières en suspens dans l’eau. Une fois rendue à l’usine de traitement, cette même eau fait l’objet d’une seconde filtration.
Cette pratique est une option intéressante, pense Chantal Cadorette, coassociée chez Crémanimo, mais il revient aux clients de choisir : « Est-ce qu’on a envie que notre dépouille finisse en fumée dans le ciel, en liquide dans les égouts ou en terre? », expose-t-elle. Cette entreprise est actuellement en démarche pour récupérer les ossements découlant des crémations de groupe, pour produire de la poudre d’os qui servira à fertiliser les sols.
Des réserves
Incimal, une autre entreprise québécoise qui offre un service de crémation pour animaux, émet elle aussi des réserves. « Après avoir analysé cette approche, nous n’y avons pas vu d’intérêt, d’autant plus que cette pratique ne correspond pas à nos valeurs. En fait, je ne crois pas que l’aquamation pour animaux remplacera éventuellement la crémation », laisse entendre Katy Loiselle, copropriétaire d’Incimal, qui propose des urnes biodégradables à sa clientèle.
Quoi qu’il en soit, cette approche pourrait éventuellement se développer au Québec. Cependant, elle comporte des limites advenant une aquamation privée : il faut compter 18 heures pour dissoudre le corps d’un animal dans l’eau, alors qu’une crémation se fait en l’espace d’environ 20 à 30 minutes. « On peut se permettre une aquamation privée par jour, étant donné que la population est moindre en région », nous dit Vicky Henley.
Il faut l’avouer, les démarches qu’elle a entreprises auprès du DDELCC sont remarquables, d’autant plus qu’elles ont nécessité 13 mois pour aboutir, dit-elle. N’eût été de sa détermination hors du commun, ainsi que d’une résilience exemplaire, rien de tout cela ne serait arrivé. Sans le savoir, elle a probablement pavé la voie à une autre option dans le domaine funéraire pour animaux.
Photo 1: manfredricther
Photos 2 et 4: Courtoisie Bio-Crémation Aquanimaux
Photo 3: Réalité Animale ©
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