Par Louis-Claude Thibeault
3 juillet 2015 — À compter de cette semaine, Réalité Animale publiera un conte qui met en scène Tissa, une chatte Balinaise qui, après être née chez un éleveur, s’est retrouvée dans un foyer d’adoption. Elle nous raconte sa vie chez ses nouveaux maîtres.
La vie est au beau fixe
Il y a quelques jours je dormais avec ma sœur sur la sécheuse. Nous étions bien; nous étions au chaud. Puis, un couple d’étrangers est venu nous visiter. Ah!, ce qu’il y en a des visiteurs! La journée précédente, une femme est venue avec un chat. Moi, je ne veux pas vraiment le connaître; il n’est même pas venu me voir. C’est un antisocial. J’espère que ce couple d’étrangers ne va pas aussi nous laisser un chat.
Le couple s’est installé. Ils ont pris le thé, ils ont jasé, ils ont parlé aux chats, parlé au chien. Ils ont même visité des pièces parce que le maître leur a montré l’endroit où on se fait les griffes. Il a dit : « Voyez, ils ont plusieurs endroits pour faire leurs griffes et ils n’ont jamais abimé les meubles ». J’étais fière de toute la famille. Ils se sont assis de nouveau. Azalée est allée les voir en montant sur la table. Puis, c’est Desdémone qui y est allée. Elle s’est couchée sur les bras de l’homme. Pas moi. Je ne fais pas ça. Desdémone se couche sur n’importe qui. Moi, je suis plus réservée.
Finalement, ils se sont levés pour partir. Bon débarras que je me suis dit. Mais là, ils m’ont prise et m’ont mise dans une boite avec des grillages. J’ai poussé et poussé contre le grillage, mais je n’ai pas réussi à sortir. J’ai émis des sons discrets pour ne pas attirer leur attention, mais personne de la famille n’est venu à mon secours. Puis, les étrangers m’ont amenée dans leur auto. Je me trouvais sur le siège arrière, emprisonnée dans cette cage. Je me suis installée le plus loin possible au fond de la cage, et je les ai surveillés. À plusieurs reprises, la femme a regardé vers moi. Elle a dit : « Elle a les yeux tristes. » J’étais contente, elle comprenait ce que je ressentais. Ils vont me ramener à la maison, me suis-je dit. Mais non. On a continué à rouler. Alors je me suis endormie.
J’ai entendu les portes s’ouvrir, mais c’est un gros bruit qui m’a réveillée. C’était le tonnerre, je crois. Ils m’ont sortie de l’auto rapidement. Des gouttes de pluie grosses comme des citrons tombaient. Ils m’ont transportée dans leur maison et m’ont déposée dans l’entrée. Puis, ils ne se sont plus occupés de moi. Je n’étais pas chez moi. Je ne reconnaissais rien de ce que je voyais. Les odeurs et le décor étaient différents. Je tremblais de peur. Puis, un grand chat est venu mettre son nez dans le grillage et il m’a reniflée. Puis un autre chat est venu. Celui-là n’avait pas l’air content. Et encore, un autre chat – plutôt une chatte – est venu écornifler. Elle a aussitôt couru se cacher. Je ne me sentais pas en sécurité.
Quelque temps plus tard, les étrangers ont ouvert le grillage et se sont éloignés. J’en ai profité pour sortir à la recherche d’un endroit plus sûr. J’ai trouvé un gros divan et je me suis réfugiée en dessous. C’était une bonne idée parce qu’on m’a laissée en paix. Je n’ai pas revu les affreux chats qui étaient venus sentir.
Tout allait bien quand, soudain, il n’y eut plus de lumière. C’était la grande noirceur. Là, ce fut le branle-bas de combat; on sortit des chandelles, des lampes de poche, une génératrice et puis un peu de lumière apparut. Je sais qu’ils ont mangé. Ça sentait le poulet. J’ai pensé que c’était un piège alors, je suis restée bien tapie dans mon coin sous le divan. J’ai bien fait parce que les autres chats sont venus pour quêter de la nourriture. Ils ont participé au repas et ils sont ensuite repartis.
J’ai eu la sainte paix pendant un certain temps. Puis, ils sont venus avec des lampes éblouissantes pour m’arracher de ma cachette. Ils m’ont amenée au deuxième étage et m’ont mise dans une pièce où il y avait une litière comme chez nous, un bol de nourriture et un bol d’eau. Ils ont fermé la porte. Je me sentais prisonnière. Puis, la femme est revenue et a fait couler beaucoup d’eau dans le bain. Elle m’a prise dans ses bras et m’a caressé le dos. Je ne lui fais pas confiance. Je regardais partout pour voir où je pourrais aller me cacher, mais elle me retenait dans ses bras; impossible de lui échapper.
À suivre.
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