4 avril 2017 — Notre chroniqueur présente la seconde tranche de ses carnets animaliers, au sein desquels la pensée laisse libre cours à l’imaginaire et aux imprévus.
Blotti dans le refuge des animaux, véritable firmament où trônent les idées maîtresses, et seul endroit où la condition humaine peut s’épanouir, je voulais être une partie d’eux, pour atteindre la douce euphorie qui conduit à une saine dérive.
Réfugié dans leur sanctuaire, fatigué des futilités, des vanités et de tout ce qui ressemble à autre chose que la grâce animale, j’étais solidaire avec ces bipèdes et quadrupèdes aux allégeances diverses. Je me sentais uni à leur destinée, en fusion avec la grandeur d’âme de ces êtres vivants et sensibles, pour qui la vérité est toujours bonne à dire.
Apprendre des animaux
Ils m’ont conquis par leur authenticité, car ils ne mentent jamais; ne connaissent pas le sens du mot trahison, sauf lorsqu’eux-mêmes en sont victimes. Ils savent ce que nous ignorons et donnent des leçons que nous aurions intérêt à apprendre. Les animaux ne communiquent jamais pour ne rien dire. Tous n’ont que faire du temps perdu et des manigances.
Pendant que je m’épivardais à mettre des images sur les mots, un chat me regardait avec ses yeux fixes. Il m’avait saisi d’un trait et semblait m’inviter à prendre du recul; à cesser de faire semblant, car il n’était pas dupe. Et moi, durant ce moment de pure vérité, j’essayais d’être au même diapason que lui, tout en cherchant son approbation du regard.
Le temps s’est arrêté
Il s’est alors approché de moi. A senti mon visage. S’est frotté sur mes flancs. C’était comme s’il m’invitait à la patience. « Trouver la dimension animale n’est pas instantané. Il faut du temps pour y accéder. Mais ici, nous avons l’éternité, parce que le temps s’est arrêté à tout jamais », semblait-il me dire. Son cœur pur envahissait mon bien-être, terminait de gommer ce qui restait d’humain en moi.
Je tremblais de toutes mes feuilles et ressentais l’extase d’entrer dans une autre phase; dans un avenir en devenir. Mes repères changeaient de registre. Je me rapprochais toujours plus de la réalité animale. Cette sensation inconnue me désinhibait, me libérait d’un lourd fardeau longtemps porté à bout de bras. À bout de souffle. J’entrais enfin dans un univers où toute ressemblance avec le monde, tel que nous le connaissons, n’est que le fruit de l’ineptie.
Le temple des vertus
Et là, au beau milieu d’une allée en or soudainement apparue, comme sortie d’une prison, j’aperçus le temple des vertus. Le chat me fit signe de l’y accompagner. Je ne lui opposai aucune résistance, si bien qu’il m’entraîna sans effort jusqu’à la porte d’entrée. « Nul besoin de cogner, annonça une voix. Vous n’avez qu’à entrer. » La porte s’ouvrit toute seule. Le chat me lança un nouveau regard qui m’invitait à ignorer la peur.
Nous avons marché jusqu’à l’escalier et monté ses marches une par une. Tout en haut du temple brillait une lumière assortie d’étoiles. L’étage était investi par une intensité lumineuse jamais vue. J’étais empreint de béatitude, certain d’avoir obtenu mon laissez-passer pour accéder aux domaines privilégiés.
Point de vie sur Terre
Ce monde me disait qu’il n’y a point de vie sur Terre jusqu’au moment du grand jour. Il m’enjoignait à ne plus vouloir paraître, mais à être. Ce monde me donnait envie d’entrer dans la transparence, pour découvrir qui je suis réellement, afin que plus jamais la vie ne ressemble aux décombres laissés par les ruines.
Je réalisai, à ce moment précis, qu’une clé m’avait été donnée. Puis, l’instant d’après, je me retrouvai sur un sentier qui se terminait par une chute vertigineuse. Après m’y être lancé et laissé bercer par le vide, ma montre cessa subitement de fonctionner. Je ne ressentais plus rien. Je n’avais plus mal. Je cessais d’être aux aguets.
La notion du temps n’existait plus. Le présent et l’avenir ne signifiaient plus rien. Je flottais entre deux sphères, libre comme l’air et redevable à personne. Mon bonheur était tranquille. Je ne pensais plus. J’avais atteint les plus grandes promesses et baignait dans l’ivresse du moment. Je n’étais plus, mais en même temps, jamais je ne m’étais senti aussi vivant.
À suivre
Tous droits réservés
Pour lire le premier carnet animalier, cliquer sur cet hyperlien.
Vous aimez cet article? Aimez-nous Facebook.