Adieu Moka

Par Nicole Patricia-Roy

12 novembre 2018 — Ce que je craignais le plus est arrivé vendredi : j’ai dû prendre la décision de mettre fin à la vie de ma petite chienne Moka. Ces derniers temps, elle buvait beaucoup plus qu’à l’accoutumé. Ma vétérinaire m’a appris qu’elle était diabétique. Le traitement pour cette maladie aurait nécessité deux piqûres par jour, en raison de son âge (15 ans). Je n’ai donc pas voulu lui imposer ça. Ni à moi, car cela aurait été d’une lourdeur lancinante.

Je n’ai pas voulu non plus mettre fin à sa vie immédiatement, car je me disais que les effets de sa maladie étaient peut-être mineurs. Je voulais passer le temps qu’il me restait avec elle, et me préparer tranquillement à son départ.

Détérioration rapide 

Mais l’évolution de la maladie a été rapide. Un mois après le diagnostic, elle ne voyait presque plus, n’entendait plus, se déplaçait difficilement et ne sortait à l’extérieur que pour la raison que vous connaissez. La décision de mettre un terme à sa vie s’est alors imposée, car je ne voulais pas qu’elle dépérisse et souffre davantage, bien que la souffrance soit difficile à détecter chez les animaux, puisqu’ils ne l’expriment pas.

Il faut les observer pour le deviner. J’anticipais tellement ce moment. Pendant toute la semaine, j’ai eu une boule dans l’estomac, car je sentais venir la fin. Après avoir pris un rendez-vous chez ma vétérinaire, je faisais le décompte des jours et des dernières 24 heures de sa vie. Vendredi matin encore, comme tous les matins, elle était avec moi dans la salle de bain, au pied de la douche, m’attendant patiemment et fidèle comme à l’habitude.

Merci à Suzanne D. et à Jean-Claude

Je tiens à remercier plus particulièrement Suzanne D. et Jean-Claude, qui étaient avec moi lorsque la vie de Moka s’est arrêtée. Sans eux, ce moment aurait été encore plus difficile à vivre. Sa mort a été douce. Elle ne s’est pas rendu compte de ce qui lui arrivait.

Tu es entrée dans ma vie par un heureux hasard. Je pensais avoir un chien à la retraite. Trois ans avant que je quitte le marché du travail, un dimanche après-midi, je suis entrée dans une animalerie. En passant devant les cages où se trouvaient des chiens, ma fille t’a aperçue et a demandé à l’employée de te sortir de la cage où tu étais. Je t’ai prise dans mes bras et ne t’y ai jamais remise.

Moka

Je n’ai jamais regretté cette décision. Il était difficile de résister tellement tu étais mignonne. Une petite boule de laine de couleur crème avec de grands yeux noirs. Comme je travaillais encore, je ne voulais pas que tu sois seule durant des journées entières. Heureusement, deux amis retraités, à qui j’avais confié mes clés d’appartement, passaient te prendre quotidiennement pour t’amener faire des promenades sur les Plaines d’Abraham. Merci à Michel et Jacqueline d’avoir pris soin de toi durant tes premières années de vie.

Les deux plaisirs d’un chien

Une fois à la retraite, j’ai pu m’occuper de toi à plein temps. Que de promenades nous avons faites ensemble. J’ai découvert que les chiens ont deux plaisirs : manger et sentir. Tu as flairé presque tous les arbres des Plaines d’Abraham. Pour la bouffe, tu étais une gourmande qui ne s’est pas contentée de la nourriture sèche pour chiens. Ce que tu adorais par-dessus tout, c’était la dinde ou le poulet. Jusqu’à ta dernière journée, tu as mangé avec appétit le poulet que je t’avais cuisiné.

Et puis quand je m’absentais, même pour une courte période, je ressentais une certaine culpabilité. Au retour, je te donnais tes gâteries préférées pour me faire pardonner. Un grand merci à Michel et à mon fils, Jan, qui ont pris soin de toi pendant mes longues absences. J’avais toujours hâte de revenir pour te retrouver et te serrer dans mes bras. Merci mon bébé, ma boule de laine et de poil, ma chouette, tous ces noms par lesquels je t’appelais, pour m’avoir donné toute cette affection, une fidélité exemplaire et un amour inconditionnel.

Quinze années d’enchantement        

Hier, j’ai vu la pièce « La détresse et l’enchantement », tirée de l’autobiographie de Gabrielle Roy. Ce titre me fait penser aux années passées avec Moka. Quinze années d’enchantement et un mois de détresse; le dernier au cours duquel sa santé a décliné.

Depuis deux jours qu’elle est partie, l’appartement me semble bien vide. Je ne peux plus lui parler comme je le faisais. On dit que les personnes qui vivent seules et ne parlent à personne vieillissent plus vite. Je vais faire attention de ne pas devenir une de ces personnes. Dans toutes les situations, les mots m’ont été d’un grand secours. Je termine en citant des auteurs qui ont écrit de belles choses sur la vie et sur les chiens.

« Personne n’aime avoir peur ou perdre. Mais vivre, c’est aussi perdre et savoir perdre, savoir quitter, se séparer, c’est gagner sur la perte. » Marie Laberge

« Tant que vous n’avez pas aimé un animal, une partie de votre âme sera toujours sans éclat, endormie. »  Anatole France

« Regarde ton chien dans les yeux et tu ne pourras pas affirmer qu’il n’a pas d’âme. » Victor Hugo

« L’amitié des chiens est sans conteste plus vive et plus constante que celle des hommes. » Montaigne

« Peu lui importe que vous ayez tort ou raison, que vous soyez chanceux ou non, riche ou pauvre, cultivé ou ignare, saint ou pêcheur. Vous êtes son compagnon et cela lui suffit. Il restera toujours près de vous pour vous réconforter, vous protéger et il ira jusqu’à sacrifier sa vie pour vous. Il vous sera fidèle dans les bons et les mauvais moments. »  J.K. Jérome

« Les animaux révèlent le meilleur de nous-mêmes. Nous faisons partie d’un club insoupçonné, ceux qui savent devenir “supérieurs” grâce aux “inférieurs”, ceux qui grandissent en présence des petits, ceux qui gravissent des échelons d’humanité en face de ces splendides sages, les animaux, que les sots jugent sans intelligence ». Éric-Emmanuel Schmitt

Photo 1: ramicm
Photo 3: Alexas_Fotos

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