10 juin 2018 — Le cheval est un animal très alerte. S’il s’accommode d’une coexistence avec les humains, la nature essentiellement sauvage d’un équidé l’emporte sur sa domestication. Il faut vivre quotidiennement avec des chevaux pour décrypter leur langage, ce que Sandy Letarte s’emploie à faire depuis 25 ans.
Technicienne équine et fondatrice d’Équin Communication, dans la région de Rivière-du-Loup, elle a compris l’essentiel de ce que ces animaux communiquent à l’homme. « Les chevaux sont génétiquement inquiets, du fait qu’ils sont la cible de prédateurs, ce que la plupart des gens ont tendance à oublier », fait-elle remarquer. Même s’ils sont nés en captivité, ils conservent un statut de proie.
Objet ou danger?
Jean-Claude Barrey, intervenant en éthologie équine à l’École Nationale d’Équitation, en France, estime « Que le cheval nous voit comme un objet, un danger ou un individu de sa propre espèce. » Pour vivre harmonieusement avec cet animal, il faut développer une symbiose qui sera profitable aux deux parties.
« Oui, les chevaux sont sur le qui-vive et vont réagir à la moindre hostilité potentielle, mais si vous les approchez sans malice, ils réagiront différemment. Nous sommes perçus comme des prédateurs à leurs yeux, mais tout dépend de notre attitude », tempère pour sa part Christine Tupper, directrice et fondatrice de l’Écurie Shamanica, située à Val-David.
Attitude corporelle et état émotionnel
On peut l’apprivoiser sans trop peiner, car le cheval est un animal curieux, même si un rien peut l’effrayer. Il faut donc alimenter en permanence cette curiosité innée en lui, le maintenir en groupe, mais aussi éviter les situations ou événements qui pourraient le stresser. L’attitude corporelle du cheval nous informe sur son état émotionnel : des oreilles plaquées signifient bien souvent qu’il est dérangé, ce qui peut le rendre agressif; un rythme respiratoire rapide pourrait traduire la crainte ou de l’excitation, tandis que les oreilles tournées vers l’arrière expriment une interrogation ou la douleur.
« Comprendre tous ces signaux permet d’adapter notre comportement en conséquence. À titre d’exemple, nous ne passerons pas derrière un cheval menaçant, et nous calmerons celui qui est anxieux. Pour faire la meilleure interprétation possible du comportement équin, il faut observer l’intégralité des postures adoptées, mais aussi tenir compte du contexte dans lequel elles prennent forme », nous dit pour sa part Anne Coirié, comportementaliste équine en France.
Les chevaux nous parlent
Sandy Letarte parle-t-elle aux chevaux, comme le suggère le titre d’un article paru en octobre 2016 dans le Journal L’Horizon? « Ce sont plutôt les chevaux qui nous parlent. À nous de décoder ce qu’ils disent. Moi, je ne fais que leur répondre », dit-elle. Le défi consiste, justement, à comprendre clairement ce que ces animaux cherchent à dire.
Pour y voir plus clair, elle a inventorié les trois postures clés du cheval il y a environ 15 ans, soit l’évaluation, la défense et la détente. Cela a permis d’en apprendre énormément sur l’état psychologique des chevaux, et d’ainsi mieux comprendre ce qu’ils ressentent sur le plan physiologique. Il a fallu des années d’observation et d’analyse pour en arriver à ces conclusions, sans compter moult études réalisées sur des chevaux rassemblés en troupeaux. Sandy Letarte se souvient que pendant plusieurs années, elle ne vivait pratiquement qu’avec eux. Au point qu’aujourd’hui, elle trouve plus facile d’approcher un cheval qu’un humain.
Exit la force et la violence pour entraîner un cheval
Ces trois postures, qui lui ont aussi été inspirées d’une « compassion » à l’égard des chevaux, plus particulièrement ceux qui éprouvent des troubles du comportement, ont pratiquement mis fin à la force et à la violence préconisées pendant leur entraînement. Ses recherches ont fait l’objet d’une publication scientifique dans le magazine français Équ’idée. De nos jours, Équin Communication donne diverses formations aux personnes qui vivent avec l’espèce chevaline.
Le stress est la plus grande problématique observée chez les chevaux. Or, gérer cette émotion dans un environnement domestique n’est pas toujours évident pour eux. À l’état sauvage, un cheval stressé s’enfuit au galop pour s’éloigner du danger, alors qu’il ne peut pas toujours le faire sur un terrain balisé, dans un enclos ou pendant qu’il est monté par un cavalier.
Cette angoisse n’est pas nécessairement causée par la présence d’un prédateur. Elle peut être générée pour mille et une raisons, par exemple l’utilisation d’un boyau d’arrosage pour rincer un cheval. Si l’animal a peur pendant qu’on le lave, et qu’il est contraint dans ses mouvements, il ne pourra pas se sauver comme il le ferait en temps normal. Il en résultera une accumulation de stress, jusqu’à ce que la coupe soit pleine et qu’il arrive des choses parfois regrettables.
Pour corriger cette condition physique et psychologique très handicapante pour un cheval, il faut lui permettre une libération du stress par le mouvement. Dans un troupeau de chevaux, celui qui se montre agité et tendu se fait sortir du groupe, afin d’aller courir et faire des cabrioles.
Lorsqu’il est prêt à reprendre sa place avec les autres, il adopte une posture d’évaluation. En d’autres termes, ce cheval demande la permission de rejoindre ses congénères. Dans un contexte domestique, un cavalier peut déstresser son cheval au moyen d’une méthode similaire.
Attachés à leur maître? Pas toujours
Certains chevaux sont profondément attachés à leurs maîtres, tandis que d’autres en arrivent à ne plus pouvoir les supporter, au point où ils deviendront difficiles d’approche. Cette détérioration relationnelle se produit, très souvent, par le fait d’expériences peu concluantes vécues entre eux.
La clé pour connecter avec un cheval se trouve dans l’attitude, le respect de ses besoins fondamentaux et une coopération continue. S’il faut apprendre l’alphabet du cheval pour comprendre ses codes, en revanche, ce dernier doit respecter les limites tracées par son maître.
Mais quoi qu’il en soit, au final, il faut se rappeler que cet animal sauvage peut vivre aisément sans la présence humaine. En somme, nous avons davantage besoin des chevaux qu’eux de nous, raison pour laquelle le sentiment d’appartenance avec un équidé n’est jamais acquis.
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