Par François G. Cellier
19 septembre 2015 — Chassez le naturel et il revient au galop! Jamais un alexandrin n’a été aussi vrai depuis une vingtaine d’années, en France, notamment à Trouville-sur-Mer (Basse-Normandie).
En y remettant le cheval au service de la ville, l’environnement social d’une petite communauté où vivent 4900 âmes a pris une tournure insoupçonnée.
Quand l’industrie automobile a mis les chevaux au rancart, tout le monde a cru que cela découlait du modernisme. Pourtant, « l’hippomobilité » revient en force, justifiée par des préoccupations environnementales et des économies d’argent parfois substantielles. Le concept suscite un enthousiasme tel qu’il serait impensable, aujourd’hui, de retirer les chevaux territoriaux mis en service dans cette commune.
À une époque où la France vit au rythme du Grenelle Environnement, ces animaux ont prouvé toute leur valeur ajoutée. « Le cheval est devenu bien plus efficace que le service motorisé, qui est par défaut lourd, bruyant et polluant », résume un ouvrage intitulé Le cheval au service de la ville, publié aux Éditions Écosociété et préfacé par la Québécoise Marie Hélène Poitras, écrivaine et cavalière.
Une idée qui a 15 ans
Tout commence en 2000 quand Olivier Linot, directeur général des services de Trouville-sur-Mer, s’inquiète de l’amoncellement quotidien des déchets recyclables dans sa commune. La population de cette petite ville balnéaire grimpe à 20 000 personnes le week-end, ce qui fait « du traitement des déchets un véritable casse-tête ». Trouville compte 80 restaurants. Le verre y représente une grande partie des rebuts accumulés, dont le poids est estimé à 50 tonnes par an.
Pour recueillir tout ce verre, on décide d’acquérir un véhicule électrique. Mais l’expérience s’avère coûteuse. Puis, une autre idée émerge, soit celle d’avoir recours à un cheval pour le ramasser. Un premier équidé est acquis avec sa charrette pour la somme de 10 000 euros. C’est un Percheron. Il s’appelle Festival de Mai. Ex-travailleur chez Eurodisney, ce valeureux cheval été mis à la retraite après 15 années de loyaux services.
De la résistance
Tous les restaurateurs n’ont pas adhéré à l’idée au départ. Il leur fallait changer des habitudes bien ancrées, mais aussi entreposer le verre une journée à l’avance en vue du passage du cheval, résume le livre. Qu’à cela ne tienne, il n’a fallu que quelques semaines pour rallier tout le monde. Au bout d’un moment, les restaurateurs récalcitrants se sont sentis coupables, en quelque sorte, par le fait qu’une majorité de leurs collègues s’étaient prêtés au jeu.
Résultat : Trouville ramasse aujourd’hui 100 % du verre. Compte tenu des succès obtenus avec les chevaux dans cette ville, et du fait que plusieurs autres communes souhaitaient adhérer à l’idée, la Commission nationale des chevaux territoriaux a été créée en 2010. Olivier Linot en a assumé la présidence pendant cinq ans.
Le cheval s’est avéré un élément rassembleur, « Tout simplement parce qu’il suscite un esprit positif », précise encore l’ouvrage, qui ajoute que la population connaît le cheval et l’agent qui l’accompagne par leur nom. À l’époque du camion, ceux qui le conduisaient passaient inaperçus. En somme, la collecte du verre avec l’aide de cet animal a redonné une dimension humaine à la collecte des rebuts.
Une utilité multiple
Son utilisation a ensuite été élargie à d’autres secteurs d’activité, par exemple le transport scolaire. Une vingtaine d’élèves trouvillais, sur les quelque 200 que compte la commune, ont trouvé une motivation supplémentaire pour aller à l’école. Au point que pour les punir, il suffit de leur dire qu’ils devront y aller en véhicule motorisé. « Cette anecdote n’est pas une blague; elle est tout ce qu’il y a de plus sérieux », confirme Olivier Linot.
« La Commission nationale des chevaux territoriaux a mis l’accent sur la crédibilité de l’énergie-cheval. Nous cherchions à pacifier le milieu urbain, qui est devenu trop minéral, notamment en raison du règne de la voiture », fait valoir Olivier Linot. Après avoir créé du mobilier urbain embellissant (ex. : des jardinières), afin d’empêcher les voitures d’aller se garer partout, il a fallu l’entretenir. « Ce faisant, nous nous sommes vite aperçus qu’il n’était pas nécessaire d’avoir un camion pour faire du cabotage d’une jardinière à l’autre », poursuit-il. Autrement dit, il est inutile d’user d’un si gros véhicule pour ce type de besoin.
Très bien traités
Cela dit, il ne faudrait surtout pas croire que les chevaux sont utilisés à tort et à travers à Trouville. Tout est planifié pour que les choses soient bien faites. Ses dirigeants ont travaillé en collaboration avec d’autres communes, dont certaines utilisent des chevaux territoriaux depuis une vingtaine d’années. En outre, à Trouville, l’usage des équidés n’est axé que sur des besoins utiles. Et le tout est encadré par des règles vétérinaires et administratives strictes.
Tous ces animaux travaillent un certain nombre d’heures par jour. Ils tirent des charges maximales adaptées à leur gabarit. En force de traction, un cheval ne peut pas excéder deux fois son poids. À titre d’exemple, s’il pèse 700 kilos, il peut tirer une charge qui pèse jusqu’à 1,4 tonne, à la condition de ne pas travailler plus de sept à huit heures quotidiennement. « De toute façon, aucun de nos fonctionnaires ne travaille plus de huit heures par jour. Il n’y a donc aucun risque pour le cheval », précise Olivier Linot.
Une pionnière
Trouville est l’une des dix premières communes françaises à avoir ramené les chevaux territoriaux. Elle en utilise actuellement trois, mais d’autres viendront s’ajouter à ce nombre éventuellement. De nos jours, quelque 300 communes en font également usage en France, par exemple Lyon, Paris et Vendargues. Leur utilisation a non seulement redonné à Trouville une dimension plus terre-à-terre, elle a aussi favorisé plus d’interactions sociales et un meilleur esprit de corps. Les citoyens de cette petite ville tricotée serrée sont unanimes : les chevaux territoriaux sont bel et bien là pour y rester.
Crédit photo: Trouville-sur-Mer
Photo 1: Olivier Linot en compagnie d’un percheron.
Photo 2: Olivier Linot et Régina Dutacq, Directrice Compagnie des Parcs et des Passeurs Du Mont-Saint-Michel, devant un véhicule qui ramasse le verre recyclable à Trouville.
Photo 3: Prototype de l’une des voitures du futur qui seront tirées par des chevaux.
Photo 4: Véhicule utilisé pour le transport scolaire à Trouville.
Certains éléments contenus dans cet article sont inspirés du livre intitulé Le cheval au service de la ville, qui a été publié aux Éditions Écosociété.
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