Par Daniel Filion
Consultant en comportement félin chez Éduchateur
4 février 2019 — Dans cette chronique, j’aborderai deux sujets délicats : l’adoption d’un deuxième chat pour tenir compagnie au premier, et la fausse impression qu’un chat peut nous être infidèle ou ne plus nous aimer.
Un chat peut-il être infidèle à son propriétaire? Ou s’en désintéresser? Non, à moins que ce dernier le maltraite ou soit indifférent à ses besoins. En pareille situation, il cherchera à s’enfuir pour les combler ailleurs. Sinon, au même titre que les chiens, les félins sont des animaux attachés aux personnes qui les entourent. Leur attitude peut laisser croire le contraire, car ils sont généralement plus autonomes.
En fait, les chats ne sont pas des animaux indépendants, mais plutôt des chasseurs solitaires. D’ailleurs, ils sont les seuls à pouvoir passer, sans problème, d’un état domestiqué à sauvage. Ce qui explique peut-être, en partie, pourquoi ils sollicitent habituellement moins l’attention de leur propriétaire qu’un chien le ferait.
Mon chat ne m’aime plus
Plusieurs femmes me disent que leur chat est collé sur leur conjoint en permanence. Elles trouvent cela injuste, étant donné que ce sont elles qui s’occupent du félin dans le couple. L’animal leur fausserait-il compagnie parce qu’il ne les aime plus? Pas du tout!
En y repensant bien, elles réalisent, après coup, que le mot permanent n’est pas tout à fait juste. Il est vrai que l’animal s’assoit très souvent sur Monsieur, notamment lorsque ce dernier regarde la télévision. C’est qu’en pareille circonstance, le chat obtient une attention accrue, car son propriétaire est dans un état passif. À contrario, s’il joue à des jeux vidéo, l’animal ira vaquer à d’autres occupations.
Les félins obéissent aux mêmes besoins que les humains. Comme eux, nous agissons avec les autres en fonction de ce qu’ils nous rapportent. Cela peut sembler calculateur, mais les choses sont ainsi faites.
À titre d’exemple, deux personnes qui font vie commune se comblent mutuellement, autrement elles ne feraient pas ce choix, à moins que l’une d’elles fasse passer les intérêts de l’autre avant les siens. Les chats vont eux aussi vers ceux qui leur rapportent quelque chose. Un couple ne devrait donc pas s’étonner qu’un samedi soir, assis devant un feu de foyer, le chat préfère s’allonger sur Monsieur que sur Madame. Ce faisant, il n’exprime pas nécessairement une préférence pour lui, mais peut-être trouve-t-il son ventre plus confortable?
Nous avons tous une bonne raison d’avoir un animal domestique. Bien souvent, l’altruisme n’est pas le premier motif d’adoption, mais plutôt l’amour inconditionnel que cet animal nous offre, comblant ainsi un besoin en sécurité affective. Néanmoins, il ne faudrait pas qu’il devienne une possession exclusive. Il faut se rappeler qu’un chat ne trahira jamais (sauf exception) une relation développée avec son gardien.
N’empêche, notre propension à tirer des conclusions injustifiées face à ses comportements changeants, qui pourraient être interprétés comme une trahison, vient du fait qu’habituellement, on ne s’y attendait pas vraiment. À contrario, les êtres humains sont beaucoup plus prévisibles à ce chapitre.
Maintenir l’harmonie avec son chat
Dans un autre ordre d’idées, toute personne qui souhaite vivre harmonieusement avec son chat devrait respecter certaines règles, afin d’éviter d’être en possible rupture avec lui. Cela peut se produire, notamment, lorsqu’un deuxième chat entre en scène, et qu’il est imposé au premier arrivé sans préavis. Dès lors, les risques qu’un conflit insoluble éclate (entre eux) sont beaucoup plus élevés.
Si l’animal est habitué d’aller dehors, et qu’il se nourrit régulièrement chez un voisin qui le laisse même entrer chez lui, l’animal pourrait décider d’y vivre plus souvent que dans sa résidence principale. Il agira ainsi, advenant qu’il s’y sente moins confortable.
Je ne dis pas que cela se produit chaque fois, car il est très rare que deux chats mis ensemble ne parviennent pas à au moins se tolérer. Il est même fréquent qu’une belle amitié se développe entre eux. Et une fois sur quatre, ils deviennent les meilleurs amis du monde.
Pour augmenter les chances que le troisième scénario se concrétise, il sera plus facile d’introduire un chaton comme deuxième animal. Ainsi, celui qui est déjà sur place — à la condition d’être adulte – cherchera peut-être à le materner. Cela dit, je n’encourage pas l’adoption des chatons, mais plutôt des chats adultes.
Des propriétaires de félins m’ont raconté qu’après avoir adopté un second chat, le premier a développé un lien très étroit avec l’autre, au point qu’il leur accordait moins d’attention. Le lien fusionnel qu’ils avaient avec leur compagnon à quatre pattes s’est étiolé, si bien qu’ils ont ressenti une certaine tristesse, se croyant abandonnés.
Cette situation est semblable à un couple qui, au bout d’un moment, voit naître son premier enfant. La relation amoureuse changera assurément, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’amour, loin de là. Seulement, les priorités changent, car il faut s’occuper du nouveau-né.
Deux chats qui s’entendent à merveille feront des concessions, afin d’éviter les situations conflictuelles. À titre d’exemple, le premier arrivé pourrait laisser l’autre s’installer dans le lit des adoptants, la nuit venue. Si tel est le cas, ces derniers n’ont pas intérêt à le chasser, afin que le doyen reprenne sa place perdue, car le conflit qui n’avait pas lieu d’être pourrait survenir.
À ce propos, je vous invite à lire un texte publié sur Réalité Animale, qui est coiffé du titre « Gare à l’anthropomorphisme ». Cet article confirme que chercher à humaniser son animal domestique n’est pas la bonne chose à faire.
Des félins très unis pourraient aussi s’adonner à l’allomarquage, c’est-à-dire qu’ils se lécheront afin d’échanger leurs odeurs, signifiant ainsi qu’ils font partie du même clan.
L’allomarquage a un effet apaisant qui traduit une excellente relation entre deux chats. Mais attention, ce comportement peut communiquer une impatience. Celui qui lèche avec insistance et une très grande vigueur le fera jusqu’à ce que l’autre s’éloigne.
Cela dit, on ne recommande jamais d’adopter un deuxième chat pour tenir compagnie au premier. Pourquoi? Parce qu’outre l’instinct de chasseur solitaire propre aux félins, les chats n’ont habituellement pas besoin d’être accompagnés d’un congénère. En pleine nature, ils vivent seuls, à moins que les ressources soient abondantes et intéressantes dans un endroit donné, ou que des femelles enceintes se rassemblent pour mettre bas. Ainsi, elles aideront les autres à élever leurs petits.
Bien évidemment, ceux qui souhaitent avoir plus d’un chat ne devraient pas s’en priver. Cela favorise l’adoption d’animaux, qui ne demandent pas mieux que de trouver un foyer où ils seront heureux. Sur ce, je vous donne rendez-vous pour une prochaine chronique sur Réalité Animale.
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