21 juillet 2018 — Le Sénat canadien a récemment adopté le projet de loi S-214, qui modifie la Loi sur les aliments et drogues (cosmétiques sans cruauté), afin d’interdire les tests de produits cosmétiques sur des animaux.
Le secrétaire du Parlement du Canada, la Chambre des communes et le Sénat indiquent qu’avant d’entrer en vigueur, la loi S-214 doit passer l’étape de lecture à la Chambre des Communes. Une fois fait, les rouges à lèvre, mascaras et crèmes pour la peau, pour ne nommer que ceux-là, devront être testés d’une autre manière (sauf exception), afin d’évaluer leurs retombées sur la santé humaine.
La nouvelle loi, si elle est adoptée telle quelle par le gouvernement fédéral, comportera une mesure d’atténuation, en vertu de l’article 18.2 (1) qui se lit comme suit : « L’alinéa 16d et les articles 16.1 et 18.1 ne s’appliquent pas aux essais sur des animaux autorisés par le ministre, selon les modalités réglementaires, lorsqu’il n’existe aucun autre moyen de procéder à l’évaluation de problèmes spécifiques et avérés de santé humaine liés à un cosmétique. » Cet article inclut aussi l’ingrédient d’un cosmétique, « dont l’utilisation est largement répandue », et que l’on ne peut remplacer par un « autre cosmétique ou ingrédient d’un cosmétique pouvant remplir une fonction semblable. »
Le règlement REACH
Cette mesure d’exception est similaire au règlement REACH, qui a été mis en place en 2007 par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), en vue de protéger la santé et l’environnement des risques liés aux substances chimiques.
L’objectif du REACH consiste, entre autres, à « encourager des méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, afin de réduire le nombre d’essais sur les animaux. Mais pour en apprendre davantage sur les produits chimiques, il est parfois nécessaire d’avoir recours à l’expérimentation animale, s’il n’existe aucune autre solution. »
Un rapport publié par la Commission européenne, le 11 mars 2013, abonde dans le même sens : « Il se peut qu’il soit nécessaire d’avoir recours à l’expérimentation animale pour compléter les dossiers, s’il n’existe aucune autre solution. » Cependant, en pareille circonstance, la Commission dit « imposer des normes très élevées de bien-être animal, et requiert que les essais sur les animaux soient, dans la mesure du possible, remplacés, réduits et affinés. » Rappelons que depuis le 11 mars 2013, l’expérimentation animale pour les produits cosmétiques commercialisés dans l’Union européenne est interdite. Ceux qui proviennent d’ailleurs, et qui ont été testés sur des animaux, sont également proscrits.
Le Conseil canadien de protection des animaux
Les travaux scientifiques impliquant des animaux ont toujours été jugés inacceptables par plusieurs groupes d’opposition, dont les organismes voués au bien-être animal. Il faut néanmoins souligner que le Conseil canadien de protection des animaux en sciences (CCPA) a publié, en 1993, le mandat et les lignes directrices recommandés par les comités de protection des animaux. Ce mandat a été révisé en 1997.
« Les animaux ne devraient être utilisés que lorsque le chercheur n’a pu trouver de méthodes alternatives valables. À cet effet, il est nécessaire d’être bien informé au niveau de la littérature scientifique, d’être ouvert au partage des connaissances et d’adhérer au principe des “Trois R” de Russell-Burch, c’est-à-dire “le Remplacement, la Réduction et le Raffinement”. Ceux qui utilisent des animaux doivent employer les méthodes les plus humanitaires, et sur le plus petit nombre possible d’animaux appropriés, afin d’obtenir des données valables », peut-on y lire.
Par ailleurs, il faut savoir que les laboratoires sérieux se plient à un code d’éthique rigoureux. Les études sur les animaux qui y sont menées sont contrôlées adéquatement, pour ainsi être conformes aux exigences imposées par le CCPA. Cela peut sembler contradictoire, mais les soins prodigués aux animaux sélectionnés font également partie des normes à respecter.
Le 35e pays à interdire cette pratique
Quoi qu’il en soit, advenant que la loi S-214 soit adoptée, le Canada se joindrait à 34 autres nations qui prohibent l’expérimentation animale dans le domaine des cosmétiques. Outre les pays membres de l’Union européenne, des nations comme l’Inde, Israël et la Norvège figurent également dans le portrait. Les organismes qui militent pour la cause animale saluent cette décision à la fois salutaire et humanitaire, car ils estiment que faire des profits sur le dos des animaux a ses limites!
Qu’à cela ne tienne, dans le domaine de la recherche médicale, une majorité de scientifiques estiment que les tests notamment réalisés sur des lapins, des hamsters et des rats sont un « mal nécessaire ». Une fois qu’un médicament a fait l’objet d’études exhaustives, celui-ci peut ensuite contribuer non seulement à une meilleure santé humaine, mais également au bien-être animal.
Mais est-il vraiment nécessaire, en toutes circonstances, d’impliquer des animaux pour tester un nouveau cosmétique, ou le nouvel ingrédient dont il était constitué? Non, si l’on en croit la documentation sur le sujet, qui explique que d’autres alternatives sont envisageables. Il est notamment possible d’utiliser des tissus et des cellules cultivées en laboratoire. « Ce procédé donne des résultats plus précis que les traditionnels tests menés sur des lapins », nous dit la SPCA de Montréal.
Tests in vitro sans animaux
Le recours à des tests in vitro est une autre solution avantageuse. Elle permet de distinguer les ingrédients toxiques par rapport à ceux qui ne le sont pas, sans sacrifier quelque animal que ce soit. Une autre solution serait d’encourager, ou « d’obliger les compagnies à fabriquer des produits avec des matières premières sûres, ainsi que des ingrédients dont l’efficacité est déjà avérée. Cela éviterait le recours à de nouveaux tests pour créer de nouveaux produits », ajoute la SPCA de Montréal.
Dans les pays où l’expérimentation animale sur les cosmétiques est permise, les nouveaux produits pour cosmétiques sont étudiés pour valider (ou non) leur innocuité, des effets toxiques possibles ou des lésions cutanées. À titre d’exemple, on voudra tester la capacité d’absorption d’une nouvelle crème, ou la capacité couvrante d’un rouge à lèvres, résume La Ligue Suisse contre l’expérimentation animale (LSCV), qui lutte depuis 1883 contre la “vivisection et les droits de l’animal.”
Analyses exhaustives
Les produits cosmétiques font l’objet d’analyses pendant toutes les étapes relatives à leur fabrication. « Ils touchent aussi bien le produit fini que les ingrédients qui le composent », explique la SPCA de Montréal. On veut ainsi voir comment un animal réagit face à tel ou tel produit. Les doses utilisées sont très concentrées et déployées sur un grand nombre d’animaux. Les souris, les rats, les hamsters et les lapins sont les plus prisés pour faire ces tests.
Toujours selon la SPCA de Montréal, mettre à l’épreuve une crème pour la peau implique le rasage du pelage d’un animal, l’application d’une dose concentrée du produit sur son épiderme, qu’on laisse agir pendant plusieurs jours. Si un cosmétique risque d’entrer en contact avec les yeux, le produit est introduit directement dans l’œil de l’animal testé, sans avoir préalablement procédé à une anesthésie locale. Les lapins sont souvent employés pendant ce type de procédure, car ils ne sécrètent aucune larme. Le produit ne peut donc être expulsé de leur œil.
« Après l’application de la substance à tester, les réactions de l’œil sont observées et annotées selon l’intensité des différentes réactions : paupière tuméfiée, iris enflammé, cornée ulcérée ou cécité causée par le produit analysé », fait savoir la LSCV. Les lésions observées pourraient aller jusqu’à perforer le globe oculaire. Et la plupart des animaux qui survivent à ces expériences répétées sont tués par la suite, dit-on.
Photoxicité
La phototoxicité est une autre donnée recueillie pendant ces travaux. Elle consiste à déceler une réaction toxique générée par une substance, qui peut être déclenchée par une première exposition cutanée à certains produits chimiques. On expose ensuite l’animal choisi à la lumière, voire en irradiant sa peau, après lui avoir administré un produit chimique par voie systémique.
La LSVC affirme que cette pratique est notamment déployée pour tester des substances chimiques contenues dans les crèmes solaires. Les animaux en sont enduits, puis exposés sous des lampes jusqu’à leur brûler la peau.
L’éventuelle interdiction des travaux réalisés sur des animaux, afin de tester divers nouveaux produits destinés à l’élaboration des cosmétiques, représentera une grande victoire pour la cause animale. Elle aura été rendue possible grâce à la campagne #BeCrueltyFree Canada, menée depuis 2013 par la Humane Society International, l’Alliance animale du Canada, mais également la sénatrice Carolyn Stewart Olsen. Cette campagne a obtenu l’appui d’entreprises, de célébrités et d’un peu plus de 100 000 Canadiens.
Photo 1: tiburi
Photo 2: RonaldPlett
Photo 3: Kapa65
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