11 juillet 2018 – La SPCA de Montréal a récemment lancé sa campagne Promesses brisées, pour protester contre le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), qui aurait « brisé sa promesse de protéger les animaux! »
Pourtant, « le gouvernement provincial avait promis que le projet de loi 54, Loi visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal, adoptée en 2015, assurerait une meilleure protection des animaux et des sanctions pour les personnes qui les maltraitent », précise un communiqué de presse émis par la SPCA de Montréal la semaine dernière.
« Deux ans et demi plus tard, force est de constater que les animaux du Québec ne sont pas mieux protégés. Tel qu’exposé dans un article paru dans La Presse, Du mordant mais peu efficace, même si la nouvelle loi est bonne, la façon dont le gouvernement choisit de l’appliquer est extrêmement laxiste », ajoute le communiqué. Réalité Animale s’est adressé au MAPAQ pour lui donner la parole, en toute objectivité, afin qu’il puisse répondre aux reproches dont il fait l’objet. Le prochain article permettra à la SPCA de Montréal de donner la réplique.
Dans un premier temps, la SPCA de Montréal, qui se consacre au bien-être animal affirme, sans ambages, que le gouvernement « avait promis qu’il allait réprimer la négligence et la cruauté envers les animaux. Pourtant, le MAPAQ refuse (fréquemment) aux inspecteurs et inspectrices la permission de sortir les animaux de lieux où ils sont maltraités, même lorsque les infractions à la loi sont claires.
« Ce n’est pas parce que vous excédez la limite de vitesse permise, en voiture, que l’on saisit systématiquement votre véhicule. C’est un peu la même chose avec les animaux. En cours d’inspection sur un site, on ne décide pas nécessairement de sortir tous ceux qui s’y trouvent », rétorque Daniel Tremblay, directeur général de l’inspection et du bien-être animal au MAPAQ. Ce ministère s’est néanmoins imposé des règles: les saisies ont bel et bien lieu, advenant qu’à titre d’exemple, des personnes responsables d’assurer les soins, tout autant que l’hébergement décent des animaux ne puissent plus le faire, nous dit le MAPAQ.
Bien-être animal et saisies
« De même, on ne saisira pas des animaux parce qu’ils se trouvent dans une cage rouillée. En pareille situation, des correctifs immédiats devront être apportés. Si cela n’est pas fait, on s’ajuste en conséquence », d’ajouter Daniel Tremblay, qui précise que le MAPAQ agit en fonction du « niveau de gravité ». Il affirme aussi que ce ministère doit assumer les frais relatifs aux saisies, aux soins et à l’hébergement d’animaux relocalisés, bien qu’il dispose d’un budget adéquat pour faire respecter la loi. « On s’assure donc que oui, le cadre légal imposé soit respecté, mais aussi que les étapes qui précèdent une saisie le soient aussi », souligne-t-il.
Le MAPAQ fait savoir, par ailleurs, qu’il est responsable d’appliquer la législation en vigueur sur tout le territoire québécois. Il y a donc un souci d’uniformité et d’équité pour tous. En d’autres termes, le degré des sanctions imposées doit être le même partout en province, que ce soit par exemple à Sept-Îles ou à Montréal. « La question qui touche les animaux suscite beaucoup d’émotions, alors qu’il faut rester neutre, objectif et le plus rationnel possible », croit Daniel Tremblay.
Quelque 70 saisies en un an
En 2017, le MAPAQ affirme avoir mené 2 000 inspections et procédé à 70 récupérations d’animaux, sur divers sites, dont 39 ont été réalisées par des SPA et SPCA, avec l’assentiment du MAPAQ. Ces opérations ont coûté 1,1 million $ aux contribuables. Question: le gouvernement manque-t-il de ressources humaines, afin d’être en mesure d’agir efficacement sur le terrain? Au MAPAQ, on nous dit que 225 inspecteurs et vétérinaires sont à pied d’œuvre sur l’ensemble du territoire québécois. Certains d’entre eux sont spécialisés dans le bien-être des animaux de compagnie et des chevaux.
Autre préoccupation exprimée par la SPCA de Montréal : le gouvernement avait promis que les usines à chiots seraient éradiquées. Pourtant, le MAPAQ continue d’octroyer des permis à des usines à chiots qui contreviennent à la loi. Même des individus ayant été reconnus coupables de cruauté animale se voient accorder des permis. « Je ne sais pas d’où vient l’idée que des personnes condamnées pour maltraitance, voire pour cruauté envers les animaux puissent obtenir ces permis, s’objecte Daniel Tremblay. Pour le reste, les termes usines à chiots n’existent pas dans notre réglementation. Il s’agit d’une connotation péjorative. Les usines dont on parle sont, en fait, des lieux d’élevage d’animaux à des fins de reproduction. »
Au-delà des mauvais éleveurs, il y en aussi des bons
Le MAPAQ explique que les élevages qui ont au-delà de 15 ou 50 chats ou chiens peuvent obtenir un permis, à la condition qu’ils s’astreignent à des normes minimales, par exemple d’avoir des locaux d’une certaine taille, des cages, un protocole d’exercice et d’euthanasie. Si un élevage rencontre ces conditions minimales, le MAPAQ doit lui émettre un permis, à moins que son responsable ait un dossier criminel. Mais si ce dernier fait défaut de les observer, par exemple en ne nourrissant pas les animaux chaque jour, cet élevage sera considéré en infraction avec la loi. Des mesures seront donc déployées en conséquence, nous dit le MAPAQ.
« Détenir un permis ne veut pas dire, pour autant, que tous les gardiens et les propriétaires d’animaux adoptent des pratiques impeccables. Qu’à cela ne tienne, les infractions qu’ils commettent doivent être corrigées dans les plus brefs délais », fait valoir Daniel Tremblay. À titre d’exemple, dit-il, s’il y a trop d’animaux dans une même cage, et que ces derniers n’ont pas suffisamment d’espace pour être confortables, l’éleveur fautif devra remédier à la situation rapidement. Et en cas de récidive, le MAPAQ dispose d’outils pour limiter le nombre d’animaux qu’il peut avoir, notamment en délivrant des permis assortis de restrictions. Au pis-aller, des saisies pourraient être requises. « Il faut par ailleurs se rappeler que parmi les délinquants du monde animalier, plusieurs personnes se conforment aux règles et travaillent correctement », souligne Daniel Tremblay.
Ne pas hésiter à porter plainte
Bien évidemment, malgré toutes les meilleures intentions du monde, il subsiste des sites inconnus du MAPAQ, tout autant que de la SPCA de Montréal, où les pratiques sont non conformes à la loi. Par conséquent, les plaintes et les signalements représentent des armes redoutables qui les aident à faire leur travail. Au MAPAQ, on peut communiquer au 1 844-ANIMAUX pour porter plainte. À la SPCA de Montréal, les coordonnées sont les suivantes : 514 735-2711, poste 2230. Tous les signalements reçus demeurent confidentiels. De plus, le MAPAQ rappelle que les personnes qui ont porté plainte, de bonne foi, ne pourront pas être poursuivies en justice.
Cela dit, une autre pomme de discorde entre le MAPAQ et la SPCA de Montréal se décline comme suit : « Le gouvernement avait promis qu’il travaillerait en partenariat avec les SPA et SPCA, afin de protéger les animaux et sanctionner ceux qui les maltraitent. Pourtant, il a négligé de renouveler les ententes avec ces organismes pour l’application de la loi, alors qu’elles sont arrivées à échéance le 31 mars 2018. Mais même avant l’échéance des ententes, le gouvernement ne permettait pas aux SPA et SPCA d’appliquer la loi aux espèces autres que les chiens et les chats, alors que de nombreuses autres espèces sont couvertes par la loi.
Là-dessus, le MAPAQ dit souhaiter travailler en « complémentarité » avec ces organismes, mais aussi en « respect des missions de chacun », pour qu’au final, il en ressorte un objectif commun. Si tout le monde fait la même la chose, il y a des énergies qui se perdent, affirme Daniel Tremblay. Le MAPAQ ne dispose pas des installations physiques pour héberger et faire adopter des animaux saisis, alors que les SPA et les SPCA sont aptes à jouer ce rôle. Le MAPAQ a donc besoin d’eux pour accomplir ces tâches. Selon toute vraisemblance, les autorités du MAPAQ ont demandé que ces ententes soient renouvelées pour un an, le temps d’évaluer quelle autre forme pourrait prendre cette collaboration. La mouture finale des partenariats à venir n’est toujours pas connue.
Du mordant, mais peu de résultats
Dans l’article de La Presse + mentionné en début de communiqué, la SPCA de Montréal et la SPA des Laurentides Labelle affirment, notamment, que le MAPAQ « leur met des bâtons dans les roues dans l’application de la loi. » L’article cite en outre un ex-fonctionnaire de ce ministère, qui prétend qu’après l’arrivée en poste de Daniel Tremblay, « Un changement de cap dans la manière d’appliquer la loi s’est opéré. Les inspections des lieux où sont gardés les animaux sont traitées à la manière de l’inspection d’un restaurant. »
Invité à commenter cette citation, le principal intéressé a tenu à préciser sa pensée : « Ce que j’ai dit c’est que dans un restaurant, au chapitre de la salubrité, nous intervenons selon la gravité de la situation. Et en ce qui a trait au bien-être animal, on évalue aussi le niveau de gravité. Autrement dit, nous gérons la situation en fonction du risque. Je rappelle que depuis mon arrivée en poste, j’ai créé une équipe attitrée au bien-être animal, en plus d’avoir adjoint 15 nouveaux inspecteurs à mon équipe qui en compte désormais 225. J’ai par ailleurs augmenté les procédures au MAPAQ, en créant des liens plus étroits avec d’autres ministères, afin d’en arriver à une meilleure concertation au chapitre du bien-être animal », de dire Daniel Tremblay.
Et la fourrure dans tout cela?
La liste des doléances à la SPCA de Montréal ne s’arrête pas là. Cet organisme affirme, en outre, que le gouvernement avait promis un meilleur encadrement de l’élevage des animaux à fourrure. Pourtant, même si la loi le prévoit, aucun système de permis n’a été mis en place pour ce type d’exploitation, qui opère donc sans surveillance gouvernementale suffisante.
« Même si aucun permis n’est délivré pour l’instant, cette activité est également soumise à la loi. Par conséquent, ceux qui pratiquent l’élevage des animaux à fourrure reçoivent eux aussi la visite d’inspecteurs, que ce soit ceux du MAPAQ ou du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs », fait savoir Daniel Tremblay. Par ailleurs, si ces permis ne sont pas en vigueur dans cette catégorie d’élevage, seul le gouvernement (et non le MAPAQ) peut décider d’en émettre éventuellement.
En résumé, le MAPAQ estime que la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal, qui découle du projet de loi 54 adopté en décembre 2015, est relativement récente. S’il reste d’importantes améliorations à y apporter, force est de constater qu’il faudra encore du temps pour en peaufiner les contours. Mais pour la SPCA de Montréal, deux ans et demi, c’est déjà beaucoup.
Quoi qu’il en soit, à la lumière de cette entrevue accordée par le MAPAQ, Réalité Animale laisse le soin aux lecteurs de tirer les conclusions qui s’imposent.
La Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal se décline comme suit :
Depuis décembre 2015, le Code civil du Québec ne considère plus les animaux comme des biens meubles. « Ils sont des êtres doués de sensibilité et ils ont des impératifs biologiques. » (Article 898.1 du Code civil du Québec)
Cette loi apporte diverses modifications, de sorte que la situation juridique de l’animal se voit améliorée. Elle édicte, par ailleurs, la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal, dont l’objectif est d’établir diverses règles visant à assurer une protection adéquate des animaux domestiques, ainsi qu’à certains animaux sauvages. Cette loi prévoit que le propriétaire ou la personne qui a la garde d’un animal s’assure, obligatoirement, que ce dernier reçoive les soins propres à ses impératifs biologiques. Elle prévoit également une série d’actes interdits, par exemple le transport d’un animal ou son dressage pour le combat.
La loi contient, en outre, l’obligation pour certains propriétaires ou gardiens d’animaux d’être titulaires d’un permis délivré par le MAPAQ. Sans compter des mesures pour venir en aide à un animal en détresse, notamment des pouvoirs d’inspection, d’ordonnance, de saisie et de confiscation. Enfin, elle prévoit des dispositions pénales applicables en cas de contravention à ces dispositions.
Photo 2: cocoparisienne
Photo 3: pixel2013
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