25 février 2019 — Un autre cas d’animal interdit dans un appartement locatif a fait l’objet d’un jugement, lequel a été rendu en novembre 2018 par la Régie du logement. Le propriétaire n’a pas obtenu l’expulsion souhaitée des locataires ciblés, mais plutôt celle de leur chien. La présence d’un canidé « est fréquemment source d’inconvénients pour les autres locataires, en plus d’endommager les lieux », affirmait-il.
Les locataires ont soutenu, pour leur part, qu’ils avaient « le même chien depuis longtemps, et que celui-ci est âgé de 13 ans. » Ils disaient avoir emménagé dans l’immeuble avec lui « au su de tous, et que ce n’est que maintenant que le locateur s’en plaint. » Cet animal leur procure divers bienfaits, notamment en raison du diabète dont souffre un des locataires. Ces derniers affirmaient, en outre, que devoir s’en départir aurait des conséquences négatives sur leur vie familiale.
L’article 1863
Le propriétaire a essentiellement appuyé sa demande d’expulsion sur l’article 1863 du Code civil du Québec, qui stipule entre autres ce qui suit : « L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail. »
Selon le tribunal, le propriétaire a fait la preuve « prépondérante » du sérieux préjudice causé aux autres résidents de l’immeuble. De plus, il est incontestable que les locataires contrevenaient à leur bail, de même qu’au règlement de l’immeuble, en ayant un animal dans leur logement.
Clause d’interdiction caduque
Cela dit, la défense aurait pu se définir sur deux axes principaux : soit qu’il aurait dû être permis aux locataires de conserver leur chien, qui incarne une forme de zoothérapie, soit que la tolérance (dans le temps) dont a fait preuve le locateur a rendu pratiquement caduque la clause d’interdiction.
Or, la preuve n’a pas permis de conclure que le locateur tolère la présence d’animaux dans l’immeuble, pas plus que les locataires étaient visés personnellement par cette interdiction. Le propriétaire cherchait plutôt à éviter un effet d’entraînement et à contrôler la situation.
Testées devant les tribunaux
Les clauses interdisant les animaux dans un logement ont été testées à maintes reprises devant les tribunaux. Il y a été reconnu que cette clause n’est pas en soi abusive. « Le locateur qui demande l’exécution en nature de l’obligation n’a pas à prouver l’existence d’un préjudice. Il lui suffit de démontrer la violation au contrat. Ultimement, si la violation persiste, le locateur peut obtenir la résiliation du bail. »
Toutefois, la situation se corse lorsqu’un locataire plaide la zoothérapie, soit l’activité qui implique la présence d’un animal pour tenir compagnie à des personnes, que ce soit dans un but récréatif ou clinique. Cette approche favorise les liens naturels et bienfaisants qui existent entre les êtres humains et les animaux, à des fins préventives et thérapeutiques.
La jurisprudence est divisée
« À première vue, la jurisprudence semble divisée : certains décideurs considèrent que les clauses d’interdiction sont explicites et librement négociées, donc applicables à l’encontre du locataire; d’autres concluent qu’il s’agit de stipulations abusives. » Comme l’écrit l’auteur Pierre Gagnon : « Il est clair qu’il n’existe pas d’unanimité étanche à ce sujet. Mais serait-ce préférable? » Une analyse approfondie de cette jurisprudence laisse voir que les situations sont nuancées, que les circonstances varient et qu’un remède applicable dans une situation ne peut être importé automatiquement dans une autre, décrit le jugement.
Trancher sur cette question délicate n’est donc pas simple, car « sans le dire toujours clairement », la jurisprudence paraît faire une différence entre le simple compagnonnage d’un animal, qui ne justifie pas d’écarter la clause d’interdiction, et les besoins thérapeutiques d’un locataire (zoothérapie) qui, eux, justifient le décideur de le faire. »
La ligne est mince
« La ligne de démarcation entre les deux n’est pas toujours facile à tracer, notamment parce que la zoothérapie est une discipline en devenir, encore mal définie et non encadrée par le Code des professions. » Avant d’avaliser la présence d’un animal dans le logement à des fins de zoothérapie, il faut faire une « preuve médicale précise et étoffée ». Dans la négative, cela se résumerait à « priver la clause d’interdiction d’animaux de tout effet, alors que celle-ci est parfaitement légale. »
Il n’est donc pas suffisant d’invoquer les besoins en zoothérapie pour garder un animal où ce dernier est interdit. « Il faut aller au-delà de la démonstration des bienfaits généraux incontestables que la présence d’un compagnon animal procure à une personne », qu’elle soit malade ou non. En conclusion, et après analyse et délibéré, « les arguments soumis en défense » n’ont pas convaincu le juge. La démonstration « probante » que la « présence de l’animal constitue une zoothérapie n’a pas été faite, au sens médical du terme et prescrite en ce sens, étant donné sa nécessité.
Dans un autre jugement mis en ligne sur Réalité Animale, une locataire a pu garder son chat, même si les animaux étaient formellement interdits dans son logement. Elle a pu faire la preuve, documents médicaux à l’appui, que le félin avait un effet thérapeutique pour soigner les troubles psychologiques dont sa fille était affligée.
Mais dans la présente cause, le tribunal n’a pas vu les choses ainsi. S’il n’y a pas eu résiliation du bail,il a néanmoins ordonné que leur chien quitte les lieux dans un délai de 60 jours, à compter de la date du jugement. Bien que cette décision ait pu faire mal aux défendeurs, le juge l’a estimé appropriée dans les circonstances.
Cet article a été validé par le cabinet Papineau Avocats.
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