Mille et une raisons de ne pas dégriffer son chat

Par François G. Cellier

24 février 2018 — Dégriffer un chat est une décision dont l’impopularité est grandissante au Québec. Un nombre accru de vétérinaires s’interdisent désormais cette chirurgie, appelée onyxectomie.

Cela dit, bien des gens sont toujours convaincus, à tort, qu’il est impensable qu’un félin domestiqué puisse conserver ses griffes. Pourtant, la plupart des consultants en comportement félin pensent le contraire, dont Natalie Robidoux, qui élève des chats de race Balinais (Chatterie sous le Saule) dans un environnement éthique.

Des efforts qui en valent la peine

Une personne qui s’en donne la peine peut, moyennant certaines conditions, habituer son chat à faire ses griffes aux endroits désignés. Pour y parvenir, l’animal doit évoluer dans un milieu adapté qui inclut les bons outils, par exemple des poteaux griffoir et un arbre à chat. La suite des choses fait appel à la patience et à la constance. Si le mode d’emploi est suivi à la lettre, un chat finira par donner raison à son maître.

L’espèce féline est douée d’une grande intelligence, si bien qu’au bout d’un moment, un chat apprend à reconnaître les endroits qui lui sont assignés, afin de soulager un besoin nécessaire à sa condition. S’il fait ses griffes, c’est pour s’étirer la colonne vertébrale, se débarrasser de particules et marquer son territoire.

« Chaque fois que le chat s’exécute au mauvais endroit, il faut le lui dire, autrement il ne saura pas à quoi s’en tenir », prévient Natalie Robidoux. Ce travail exige une certaine volonté, mais il sera payant à très court terme, promet-elle. En fait, il ne faut que quelques semaines pour résoudre le problème, à la condition que l’animal soit redirigé.

Qu’est-ce que la redirection?

La redirection consiste à lui proposer de choisir un endroit plutôt qu’un autre. À titre d’exemple, s’il désire faire ses griffes sur un coin du fauteuil, il faudra lui proposer une solution alternative. Dans le cas précité, on enrobe la zone critique du fauteuil avec du papier d’aluminium, ou une pellicule collante sur ses deux faces, qu’il vaut mieux laisser en place pendant un certain temps. Ces matériaux lui feront passer l’envie d’aller y faire ses griffes.

L’étape suivante consiste à installer un griffoir tout juste à côté de la zone critique, et à montrer au chat le nouvel objet. S’il le trouve suffisamment attrayant, il finira par l’adopter, à la condition qu’on l’incite à le faire.

Certaines personnes disent avoir essayé la redirection sans succès. « Si tel est le cas, il faut s’interroger sur la constance déployée, et se demander si l’animal s’est vu offrir une solution de remplacement », indique Natalie Robidoux. Bien des gens abandonnent trop vite, car pour diverses raisons, ils n’ont pas envie d’investir le temps voulu dans cette tâche. Il s’en trouve aussi pour dire qu’avoir un chat avec des griffes ne saurait être envisageable, parce qu’ils ne veulent pas abimer leurs meubles.

Les meubles et les planchers exposés

Un chat qui a ses griffes peut endommager du mobilier, par le simple fait de sauter brusquement d’un meuble à l’autre. Le scénario est sensiblement le même pour un plancher en bois mou, lorsque l’animal démarre et arrête brusquement. Ce sont habituellement les griffes arrières qui posent problème. Le compromis serait d’installer une jetée sur les meubles qui sont à risque d’être égratignés, d’installer un napperon ou un tapis dans les zones appropriées du plancher, mais aussi de tailler les griffes de son chat à intervalles réguliers.

L’onyxectomie ne devrait jamais être envisagée, insiste Natalie Robidoux, d’autant plus que certains félins réagissent mal à cette chirurgie, qui équivaut à amputer les premières phalanges d’une main. Sans griffes, un chat pourrait ne plus vouloir utiliser ses pattes pour enterrer ses déjections, parce qu’il a trop mal. D’autres développent une agressivité, se mettent à mordre ou ne marchent plus pendant très longtemps, en raison du phénomène du membre fantôme.

Désintérêt du genre humain

Dans le pire des cas, après avoir subi l’ablation des griffes, un félin ne voudra plus rien savoir du genre humain. Natalie Robidoux se souvient d’une chatte enjouée et sociable qui, à la suite d’une onyxectomie, s’est mise à avoir une peur farouche des étrangers, et à couper tous ses liens avec l’homme de la maison. Elle l’associait au vétérinaire qui l’a opérée, et par extension aux hommes en général. L’animal est demeuré pratiquement immobile durant une longue période, et s’est blotti dans les bras de sa maîtresse pendant des mois. Ce genre d’histoire n’est pas rare et n’a rien d’inventé. Elle est tout ce qu’il y a de plus vrai.

Première province à interdire le dégriffage des chats

L’interdiction du dégriffage des chats au Québec n’est pas pour demain, néanmoins la Nouvelle-Écosse sera la première province canadienne à proscrire cette pratique, à compter du 15 mars 2018. Pour l’heure, « Il reste encore beaucoup d’éducation à faire chez nous à ce sujet, mais je crois qu’avec le temps, la perception populaire finira par changer », conclut Natalie Robidoux.

Photo 1: Alexandra_Koch
Photo 2: Réalité Animale
Photo 3: Koltrein

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