Condamné pour avoir tiré sur un chien par mégarde

Par François G. Cellier

9 février 2018 — Tirer sur un chien par inadvertance peut avoir des conséquences légales. C’est ce qu’un chasseur a appris, le 11 avril 2017, lorsque la Cour du Québec — Division des petites créances — l’a condamné à payer des dommages-intérêts compensatoires aux gardiens de l’animal.

L’infortuné chasseur croyait avoir abattu un coyote, alors qu’en fait, il s’agissait d’un Berger allemand. Ses gardiens ont intenté une poursuite judiciaire le 13 avril 2016, au regard de cet incident qui s’est produit le 5 novembre 2015. Jean-Guy Demers (l’un des deux gardiens) travaillait sur son terrain mesurant 94 acres, lorsqu’il a entendu une détonation. Environ 15 minutes plus tard, son chien est revenu en boitant. Il saignait et avait perdu une partie de la patte arrière gauche.

Qui a tiré?

L’animal est immédiatement transporté chez le vétérinaire, qui diagnostique un traumatisme majeur. Il devra subir une chirurgie. À son retour à la maison, Jean-Guy Demers porte plainte à la police, puis se rend chez un voisin qui, espère-t-il, pourra lui dire qui a tiré. Mais ce dernier refuse d’identifier le tireur. Le demandeur s’adresse ensuite au présumé chasseur (le défendeur), qui nie avoir fait feu sur son chien, en ajoutant que le demandeur « aurait dû l’attacher », indique le jugement.

Quelques heures plus tard, un policier rencontre à son tour le défendeur, qui affirme avoir tiré sur un coyote. Il justifie son geste en disant que ces animaux « diminueraient le nombre de chevreuils. » Quoi qu’il en soit, aucune poursuite pénale n’est déposée suite à cet événement. Quant au chien, qui a évité l’amputation, il doit retourner chez le vétérinaire tous les deux jours pendant deux mois. Les séquelles liées à cet incident sont importantes.

Faute et préjudice

Pour obtenir gain de cause dans une réclamation de ce genre, « les demandeurs doivent prouver que, de façon probable, le défendeur a commis une faute et que celle-ci a causé un préjudice. » Le Tribunal a rappelé le devoir de prudence qui s’impose aux chasseurs : « Il n’échappe à personne que l’usage d’une arme à feu constitue, en pleine forêt, un grave danger. Un chasseur plus que quiconque sait qu’il ne doit décharger son arme que si, compte tenu de la prudence qui s’impose, il est normalement assuré que sa balle n’atteindra que le gibier qu’il pourchasse. Et pour se décharger de ce devoir de prudence et de diligence, on lui impose comme première règle de voir l’animal qu’il entend abattre, plus que cela, de s’assurer qu’il s’agit bien d’un animal. »

Dans cette cause, un partage des responsabilités entre les deux parties aurait pu s’imposer, car la loi interdit au gardien d’un chien « de le laisser errer dans un endroit où l’on trouve du gibier ». Or, l’animal courrait librement dans une zone de chasse au chevreuil. Mais étant donné que le chasseur a tiré dessus en période interdite, il a commis une faute civile. Et même s’il n’avait pas enfreint cette règle, « il a également commis une faute en ne respectant pas le devoir de prudence qui s’impose à tout chasseur, en ne s’assurant pas que sa cible était effectivement le gibier qu’il pourchassait. »

Dommages-intérêts

Le demandeur réclamait quelque 5 000 $ au défendeur, incluant 3 386,59 $ pour préjudice moral (tant pour le chien que pour lui-même). Il a finalement obtenu 1 989,01 $ avec les intérêts encourus depuis le 14 avril 2016, ainsi qu’une indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec. Le Tribunal a statué que « malgré l’entrée en vigueur de la Loi visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal, qui reconnaît un statut particulier aux animaux, ceux-ci ne peuvent être indemnisés pour le préjudice qu’ils subissent. »

L’article 1457 du Code civil du Québec n’accorde le droit d’être indemnisé qu’à « autrui », c’est-à-dire à « une autre personne ». Par conséquent, Jean-Guy Demers a obtenu 500 $ « pour les inconvénients subis en raison des blessures infligées » à son chien. « Il ne s’agit toutefois pas d’un préjudice moral au sens du droit québécois. » Ce jugement démontre néanmoins que légalement parlant, la jurisprudence à l’égard du droit des animaux prend forme. Et que la nouvelle loi (54) qui vise à mieux les protéger a définitivement changé la donne.

Pour lire l’intégralité du jugement, cliquer sur cet hyperlien.

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