24 mars 2017 — La valeur monnayable des animaux a pris du galon depuis le 4 décembre 2015, date d’entrée en vigueur de la Loi visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal. En clair, certains types de bipèdes et de quadrupèdes, dont plusieurs font partie du groupe des animaux domestiques, ne sont plus considérés comme des biens meubles.
Désormais, l’article 898.1 du Code civil du Québec stipule que « Les animaux ne sont pas des biens. Ils sont des êtres doués de sensibilité et qui ont des impératifs biologiques. »
À l’avenir, ceux qui s’estimeront floués, en raison d’un préjudice occasionné à leur animal par un tiers, pourraient obtenir davantage en dommages moraux accordés par le tribunal. À la condition qu’ils obtiennent un jugement favorable. La décision dans l’affaire Lavigne c. Brousseau-Masse en a fait la démonstration sans équivoque : la justice québécoise fera monter les enchères en pareille circonstance.
Choc émotionnel
La propriétaire (défenderesse) d’un chenil en a réalisé toute la portée, le 16 janvier 2017, lorsque la Cour du Québec (Division des petites créances) l’a condamné à payer 3 022,58 $ (plus les intérêts) à sa poursuivante. Il faut savoir que le Griffon belge de trois ans dont elle était la gardienne, Bo, est mort après avoir été heurté par une voiture. La moitié de cette somme a été attribuée aux dommages moraux qui en ont résulté. La demanderesse a subi un choc émotionnel suite à ce décès.
Tout a commencé le 3 décembre 2015, lorsque la demanderesse a confié la garde de sept chiens (dont Bo) à la défenderesse. Cette dernière « exploite un chenil depuis plus d’une dizaine d’années avec son conjoint », nous apprend le jugement. L’endroit est muni d’un enclos extérieur ceinturé par une clôture d’une hauteur d’environ six pieds.
Un incident s’est produit
Quelques jours plus tard, alors que la demanderesse et son conjoint sont en vacances à Cuba, on les informe que Bo a été impliqué dans un incident. En fait, il s’est échappé de l’enclos. Sur le coup, les propriétaires du chenil ne s’en sont pas rendu compte. Mais après avoir repéré l’animal, la défenderesse a tenté de l’attraper, en vain. Son conjoint et son fils l’ont aidé dans cette traque infructueuse. Le voisinage a dès lors été avisé que l’animal avait disparu, tandis que les recherches se sont poursuivies jusqu’en soirée.
Malheureusement, le lendemain, des voisins annoncent à la défenderesse que Bo a été heurté par une voiture. Et qu’il est mort. La dépouille du chien est congelée jusqu’au retour des vacances du couple. Une fois revenus, ces derniers se présentent au chenil et constatent son décès.
Le juge Pierre Cliche, qui a présidé l’audition et entendu les parties dans cette cause, devait déterminer si la défenderesse était responsable du décès de l’animal. Oui, a-t-il tranché, car elle n’a pu démontrer une situation de force majeure, par exemple un passant qui aurait ouvert l’enclos ou subtilisé l’animal, ce qui l’aurait exonéré de tout blâme.
L’article 898.1
En outre, l’article 898.1 du Code civil du Québec est venu alourdir son fardeau. « Le Tribunal estime qu’en général, la valeur des dommages moraux subis par une personne suite à la perte de son animal de compagnie devrait être plus élevée qu’auparavant, alors qu’un animal n’était considéré qu’à titre de bien meuble », précise le jugement.
Dans le présent cas, « la demanderesse a subi un choc émotionnel et fut grandement affectée par le décès de son chien. Considérant qu’il s’agissait d’un être doué de sensibilité », et qu’elle « affectionnait particulièrement » cet animal donné par son défunt père, « Le Tribunal lui accorde la somme de 1 500,00 $ à titre de dommages moraux », a conclu le juge.
Un montant de 1 000 dollars additionnels a été accordé pour la perte de l’animal, en plus des 489,72 dollars obtenus pour les frais de crémation, ainsi que la conservation des cendres dans une urne et un pendentif. La demanderesse a également reçu 32,86 dollars à titre de remboursement des frais de pension.
« Dorénavant, il faudra prendre au sérieux le sort et le bien-être animal, en raison d’une évolution du droit québécois sur cette question. Le rapport affectif entre un animal et son maître est devenu une donnée juridique importante », conclut l’avocat Luc Huppé, associé au cabinet de Grandpré Joli-Cœur.
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Photo 2: Succo
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